Fier d’être Mauricien

« Fier d’être Mauricien »

Avec sa grande taille et ses longs cheveux emblématiques, style baba cool, il ne passe pas inaperçu. Ambassadeur par excellence de l’île Maurice qu’il a vantée en Europe, en Afrique et en Asie,  il a fait chanter et danser les Mauriciens depuis les années 70’. En 1989, il est sur toutes les lèvres en France grâce à Maxime le Forestier qui a repris son fameux « Anbalaba ». Claudio Veeraragoo vient de fêter ses 50 ans de carrière. Côte Nord lui rend hommage.

Dans la véranda de sa maison où il nous reçoit deux jours après son concert anniversaire, Claudio a les traits tirés mais il est heureux. Le concert a été un succès et, surtout, Maxime s’est déplacé spécialement pour l’accompagner sur scène. Sa rencontre avec le chanteur français en 1989 reste un des moments forts de sa vie. C’est l’ambassade de France qui lui apprend que Maxime Le Forestier avait urgemment besoin de lui. « Il devait compléter son album Né quelque part, après une longue absence. Le producteur Polydor lui conseillait de mettre une chanson exotique pour son come-back, et il a pensé à Anbalaba dont il avait ramené une cassette audio de Maurice ».

Il se souvient encore avec émotion de l’accueil à l’aéroport de Paris par la télévision française et la chanson de Le Forestier qu’il entendait dans les cafés. Cette émotion il va la ressentir encore sept ans après en 1996 quand il reçoit des mains de Zindzi Mandela, la fille du grand tribun sud-africain (qui n’avait pu venir étant souffrant) le prix de l’URTNA pour le meilleur ambassadeur de la chanson mauricienne. Quand elle lui parle de son amour pour l’île Maurice, Claudio a ressenti tout la fierté d’être Mauricien. Car il est nourri aux différentes sources qui ont abreuvé l’île. Sa musique est créole au sens large du terme car elle est issue d’un métissage. Claudio raconte ainsi qu’il a été baigné dans la musique indienne, française et bien évidemment mauricienne depuis son enfance. A 15 ans, il veut devenir musicien et jouer de l’accordéon, un instrument populaire dans les années 60’. « Les dimanches il y avait à la radio nationale une émission consacrée à l’accordéon. J’étais fasciné par une Française, Yvette Horner. J’adorais aussi le non moins célèbre virtuose indien Shankar Jai Kishan ». Mais le premier instrument qu’il touche est un bongo pour une fête au collège. Une expérience réussie qui le pousse à croire qu’il pourra aussi faire de l’accordéon. Dès lors, il cherche et obtient un accordéon en emprunt et commence à apprendre seul. Puis, il approche un orchestre et se perfectionne aux contacts des autres. Très vite il commence à fréquenter les mariages, bals et autres kermesses (fancy-fair). Il se joint aussi à un orchestre de musique orientale. Ce double frottement le fait progresser très vite.

Amla Band

Claudio a alors 16 ans et fréquente le collège mais aura la douleur de perdre sa mère. Il arrête alors l’école et se renferme sur lui-même. C’est la musique qui le sauve et six mois après il fonde son propre orchestre, l’Amla Band. Très populaire, ce groupe se produit dans les mariages hindous et musulmans. Claudio y consacre tous ses week-ends, jouant dans cinq endroits à la fois et à travers toute l’île.

Vers l’âge de 18 ans, il est attiré par le séga de Roger Augustin, Serge Lebrasse et Francis Salomon. « A l’époque leurs chansons ne passaient pas souvent à la radio et il fallait venir à Port-Louis, à la Chaussée pour les écouter chez Damoo ou Neptune et à la rue Royale chez Venpin », se souvient-il.

Lui aussi se laisse tenter par la composition et après avoir écrit quelques chansons cherche une maison d’édition. Il n’hésite pas à frapper à la porte du grand producteur de l’époque, Damoo, qui l’auditionne et l’engage tout de suite. Son premier 45 tours, avec « Nou manz nou larak » et « Melena », fait un tabac et il enchaîne avec un deuxième, « Nou kontan tou le dé » et « Sa marmaille là », avec le même succès.
La carrière de Claudio est lancée et très vite la maison rivale, Neptune, vient le chercher et il enregistre son fameux « Anbalaba » avec elle. Les succès s’enchaînent et il acquiert une grande notoriété dans pratiquement toutes les couches de la population. Le jeune artiste se joint ensuite au Typhoon Band pour jouer du piano électrique et enregistrer plusieurs tubes avec eux. Dans la foulée, un producteur réunionnais lui demande de venir jouer à la Réunion et c’est le début de sa carrière internationale. Il se rend ainsi tous les week-ends à La Réunion et se sent « vraiment comme une star ». Parallèlement, il se joint à l’imprimerie Mauritius Printing avec laquelle il va faire une carrière professionnelle plus traditionnelle. Les événements continuent de s’enchaîner pour lui et en 1971, il se marie. La même année, il fonde le fameux Satanik Group qui va se produire à travers l’île dans les lieux populaires mais aussi dans les hôtels. Beachcomber lui offre quelques piges puis en 1973 grâce à la conférence de l’OCAM (Organisation commune africaine et mauricienne), il obtient son premier contrat au Trou aux Biches. Il va aussi travailler à Merville, au Paradise Cove, à Le Canonnier, au Méridien et au Morne Brabant. A l’ouverture du Royal Palm, il  rencontre « un grand monsieur », Jean-François Chaumart avec qui il va travailler 10 ans. Il garde aussi d’excellents souvenirs de Jocelyn Gonzales, directeur de l’hôtel Le Canonnier.

Road Shows

Ce sera néanmoins Cyril Vadamootoo, ancien directeur de l’Office du tourisme, qui aura joué un grand rôle dans sa carrière. « C’était un grand professionnel du tourisme qui s’y connaissait aussi dans l’évé ne mentiel », assure-t-il. Alors qu’il  commence à faire des tournées en Europe vers la fin des années 70’, il est approché fin 1982 par l’Office du Tourisme pour ses road shows. Claudio et sa troupe découvrent l’Italie, l’Allemagne, la Suisse et retrouvent la France et l’Angleterre. Puis,  ce sera au tour du continent africain, au Kenya, au Zimbabwe, en Zambie et en Afrique du Sud. Claudio est aussi appelé à assurer l’animation lors des vols inauguraux d’Air Maurtius à Singapour, en Malaisie, Japon, l’Australie. Il joue vraiment un rôle d’ambassadeur et explique « où se trouve Maurice et comment est le pays ». Sa troupe de danseuses est assez représentative de la population locale.

Pendant 10 ans, il va vivre au rythme des campagnes de promotion. « J’ai toujours fait mon travail avec honneur et prestige et j’ai reçu des recommandations des directeurs d’hôtel là où je me suis produit à l’étranger ». C’est lors de ses déplacements que Claudio crée ses morceaux et ses spectacles. En avion ou en voiture, il est un peu volubile et n’engage pas la conversation. « Mes créations sont pour la plupart de la fiction inspirée de quelques faits dont j’ai été témoin comme une dispute conjugal (Anbalaba). Les gamaat étaient des moments extraordinaires lors des veilles de mariage et entre deux chansons les commentaires et les remarques amusantes m’interpellaient (Bhai Aboo) ». Aujourd’hui encore il continue de travailler et son prochain projet sera la réalisation d’un film dont il a déjà écrit le script et la musique. Rendez-vous en 2015 pour en savoir plus.

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