La gastronomie a pris ces dernières années, une tendance de rapprochement avec un public plus large susceptible de fréquenter les bistrots plutôt que les restaurants. On a ainsi inventé le terme bistronomie. Mais ce nouveau mode de restauration date de beaucoup plus longtemps que l’on imagine, de 1987 plus exactement. Derrière ce concept, un chef étoilé bien connu, Michel Rostang. Nous l’avons rencontré au LUX* Belle Mare où il rechargeait ses accus avant d’affronter la saison hivernale en France.
Michel Rostang est un grand habitué de l’île Maurice. Il y est venu pour la première fois en 1982 à l’hôtel Le Paradis (Méridien à l’époque) puis au Saint Géran. Comme c’est souvent le cas, il s’est lié d’amitié avec l’hôtelier qui gérait cet établissement, en l’occurrence Paul Jones. Et c’est tout naturellement qu’il l’a suivi au LUX* Belle Mare. La fidélité aux valeurs est un des principes de Michel Rostang. Ainsi, il est resté fidèle à ses fondamentaux et a toujours défendu sa cuisine. De sorte qu’on lui a collé l’étiquette du « pape de la cuisine bourgeoise ».
Pour autant, Michel Rostang n’est pas insensible à l’évolution de la cuisine moderne. « On reste sur les bases classiques mais on allège les sauces. On fait de la cuisson sous-vide, on utilise des techniques modernes sans tomber dans les extrêmes comme la cuisine moléculaire, qui pour moi n’est rien d’autre que de la chimie. Être chef n’est pas être chimiste : « nous ne sommes pas tous des Ferran Adrià ». « La cuisine ne doit pas mélanger tous les goûts. Il ne faut pas en avoir plus de quatre dans un plat. J’ai horreur que l’on me dise de deviner 15 goûts dans une assiette », martèle-t-il.
Michel Rostang tient à son identité. Descendant d’une famille d’aubergistes de la région Rhône-Alpes, il en est la cinquième génération. Élevé dans les montagnes, il a grandi dans l’hôtel-restaurant de ses parents à Sassenage, près de Grenoble (deux étoiles au Michelin). Très tôt, il acquiert le goût des bonnes choses et a eu l’envie de devenir cuisinier. Il fait l’école hôtelière de Nice, travaille un peu chez son père Jo Rostang, dans La Bonne Auberge à Antibes (trois étoiles). Puis il part faire ses classes chez Lasserre, Lucas Carton, pour finalement s’installer dans son propre restaurant en 1978 au 20 de la rue Rennequin dans le 17e arrondissement avec son épouse Marie-Claude, fille et petite-fille de restaurateur.
« On y servait des produits frais de ma région d’origine, de la volaille de Brest, des poissons de lac, gratin dauphinois… Puis on s’est modernisé pour se mettre au goût du jour ». Un an après son ouverture, il obtient un macaron Michelin et un deuxième l’année suivante.
En 1987, il lance la bistronomie, un peu par un concours de circonstances. « Une boutique s’était libérée à côté du restaurant. On a voulu faire un bistrot lyonnais mais avec une cuisine plus travaillée ». Ainsi naquit Le Flaubert. La tendance était lancée, suivie par d’autres chefs en 88 et 89.
Avec l’aide de ses filles, il va encore diversifier son entreprise et, en 2006, investit dans une brasserie de poissons et fruits de mer, L’Écailler. En 2014 il ouvre le Café des Abattoirs, où l’on sert uniquement de la viande. « C’est le chef de ce café qui était venu pour lancer le four Jospert du LUX* Belle Mare la même année », rappelle-t-il.
Moins présent devant les fourneaux (c’est Nicolas Beaumann, qui est aujourd’hui chef de son restaurant gastronomique), Michel Rostang n’est pas pour autant éloigné de l’actualité de la restauration. Il déplore aujourd’hui une cuisine d’assemblage où les produits sont déjà préparés industriellement. « Certes, il est difficile de trouver de bons chefs. Mais on n’inculque plus le goût du travail en France ; tous les métiers sont touchés ». Dans les restaurants Rostang, tout est fait sur place, assure-t-il. Si vous avez la chance de vous y rendre, vous y trouverez toujours, à côté des nouvelles créations, les classiques de la cuisine française comme le « vrai » gratin dauphinois (sans fromage, sans oeuf) ou le lièvre à la royale.