Sega Tipik Typique

Sega Tipik

[Extrait de l'Edition Spéciale 2019]

C’est sur des plantations sucrières au XVIIIe siècle qu’est né le Sega Tipik à Maurice, cette première expression musicale profonde de la population des esclaves. Évoluant au fil du temps, le Sega Tipik est depuis 2014 inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

« C’est seulement à partir du moment où le Sega Tipik a été inscrit au patrimoine mondial, qu’on a commencé à vraiment faire la différence entre le sega actuel et le Sega Tipik », expliquent Marousia Bouvery et Alain Muneean du groupe Abaim, qui ont une trentaine d’années d’expérience dans le domaine. Unique et spécifique à la culture de Maurice, le Sega Tipik puise ses origines dans les pratiques musicales et dansées des populations esclaves africaines, mais a évolué au fil du temps, s’enrichissant de plusieurs influences des différents peuples de l’île, notamment indiennes.

Pour Marousia et Alain, il est essentiel de préserver cette musique pour les prochaines générations car c’est un héritage de nos ancêtres. À l’origine, le Sega Tipik donnait l’occasion aux esclaves de s’exprimer, c’était un espace créé pour exprimer différents sentiments. « La plupart de ces gens ne savaient pas écrire à cette époque, mais ils avaient une voix. Le sega leur permettait de faire face à toutes les souffrances qu’ils accumulaient. » Au fil des années, après l’abolition de l’esclavage, la tradition musicale continue de se perpétuer au sein des familles mais ce n’est que bien plus tard, pendant les années cinquante que le Sega Tipik revient en force. Mais dès lors, plus de douleur et de peine, le sega tipik devient synonyme de grands moments conviviaux de partage et de joie en famille ou entre amis où on se réunit autour d’un bon sega et d’un verre de ti lambic (rhum mauricien).

Le Sega Tipik se démarque du sega contemporain de plusieurs façons : il n’utilise que des instruments traditionnels de l’époque tels que la ravanne, la maravanne, le triangle… Ceux-ci sont inspirés des instruments qui existaient dans le pays d’origine des esclaves mais fabriqués avec des matériaux et matières qu’ils ont trouvés ici. Les chansons augmentent peu à peu de rythme tandis que la danse, qui se fait toujours en couple, consiste à bouger des hanches et des mains au rythme des percussions et faire de petits pas pour évoluer les uns autour des autres. Alors que les femmes portent de longues jupes avec des jupons, les hommes portent des pantalons retroussés, des chemises colorées et des chapeaux de paille. Les textes, eux, sont souvent profonds ; avec des thèmes tels que la vie de tous les jours, la mer, le mysticisme, l’espoir, le désespoir, l’amour… Ils peuvent aussi être plus conviviaux et folkloriques avec des textes empreints d’humour.

Mais la différence principale est structurelle ; le Sega Tipik se fait en trois parties bien distinctes : l’appel, l’appellation et le « roulé ». Lorsqu’on comptait jouer du sega à l’époque, on appelait ses voisins pour qu’ils viennent participer en tapant sur la ravanne de façon continuelle, c’était l’appel. C’était un signal, qui se faisait souvent en après-midi ou en soirée, pour faire savoir qu’une rencontre s’annonçait. Celle-ci était informelle et se faisait de façon spontanée. Puis, venait l’appellation, qui est une partie oratoire, une sorte d’introduction très lente, où le texte avait de l’importance. On mettait de l’emphase sur les paroles – qui étaient souvent improvisées – avant que le rythme ne devienne plus rapide. La troisième partie, qu’on appelle « roulé » est la partie la plus vivante avec des phrases entrecoupées de « Ola e ola lile », unique au Sega Tipik, avec les danseurs qui se laissent aller, se balançant lascivement au son de la ravanne, les hanches battant la cadence.

Photos : Sylvian Sebille

Découvrez l'intégralité de l'Edition Spéciale 2019 en vous abonnant gratuitement sur mag.travel-iles.com

Travel-Iles Abonnement Digital

Laisser un commentaire