Après l’Aapravasi Ghat et Le Morne, l’île Maurice pourrait-elle avoir un troisième site classé au patrimoine mondial de l’humanité ? La question a été posée par le Dr Jean-Yves Blot lors d’une conférence sur l'importance du site du naufrage du Saint Géran en tant que patrimoine universel, à l’hôtel Veranda Paul et Virginie, le 30 novembre dernier. Selon l’archéologue naval, au-delà d’un simple fait historique, le paysage culturel de ce naufrage recèle énormément d’informations sur la société et l’économie de l’époque. Une inscription au patrimoine mondial serait aussi bénéfique à l’industrie touristique, a-t-il postulé.
Le Dr Jean-Yves Blot est celui qui, en 1979, allait faire les premières fouilles scientifiques sur le site du naufrage du Saint Géran. Les restes de l’épave qui ont été récupérés à l’époque, dont la célèbre cloche destinée à une paroisse mauricienne, sont aujourd’hui exposés au musée naval et historique de Mahébourg. Selon le Dr Blot, il y a encore beaucoup d’objets qui ont été trouvés sur ce site par des dizaines de plongeurs et qui font la fierté de collections privées. « Il est important, peut-être pas de les récupérer, mais de les chercher et et de les répertorier ».
Le scientifique n’a pas manqué de rappeler que la célébrité du Saint Géran vient sans doute de la fiction de Bernardin de Saint Pierre, Paul et Virginie. Or, tout en reconnaissant l’immense talent d’écrivain-paysagiste du romancier français, le Dr Blot attire l’attention sur certaines libertés de l’auteur notamment quant à la date et le lieu du naufrage. « Le naufrage a eu lieu au mois d’août 1744. Or, Bernardin de Saint Pierre parle d’un cyclone qui aurait causé le naufrage, donc en été. L’histoire du Saint Géran est à la frontière du réel et de l'imaginaire. L’archéologie et l’histoire nous renvoient, elles, au monde réel que connut le futur écrivain de 1768-1770 entre Lorient et Maurice. La perte des passagers et de la cargaison du Saint Géran en août 1744 est avant tout le récit d’une catastrophe humaine qui a marqué l’économie de l’île ».
Le Dr Blot rappelle à cet effet que le Saint Géran transportait des esclaves, comme en témoignent les étraves découvertes lors des fouilles de 1979 et visibles au musée de Mahébourg. Leur disparition avait affecté les planteurs qui les attendaient. Autre fait peu connu révélé par l’archéologue naval, c’est la présence de pierres de lest, trouvées en 1979 sur le site du naufrage, dont la teneur volcanique prouve qu’elles avaient été embarquées… de l’île Maurice même alors que le bateau revenait de France.
Le Dr Jean-Yves Blot explique qu’un naufrage est aussi l’histoire de deux ports, celui du départ et celui de l’arrivée prévue, en l’occurrence Port-Louis pour le Saint Géran. « Un navire ne peut être dissocié du milieu physique et social, souvent urbain, qui lui a donné vie depuis le moment de sa construction jusqu’au dernier moment de son dernier voyage. Lu de cette façon, le naufrage du vaisseau de 600 tonneaux de la Compagnie des Indes, le Saint Géran, sur la côte nord-est de l’île de France, Maurice d’aujourd’hui, perd tout son sens si on omet de joindre au « dossier terminal » le port d’arrivée vers lequel se dirigeait le navire : Port-Louis ».
Le scientifique a conclu qu’il appartient aux autorités compétentes, le Mauritius Museums Council, la Mauritius Marine Conservation Society, Mauritius Scuba Diving Association, Mauritius Ports Authority, la Société de l’Histoire de l’île Maurice et le gouvernement de monter un dossier à cet effet. A noter que la Mauritius Ports Authority est déjà partenaire du travail du Dr Blot, ainsi que Veranda Resorts et la Société de l’Histoire de l’île Maurice.