De père américain et de mère mauricienne, Damien Dittberner a grandi au pays des cow-boys, tout en gardant depuis tout petit un lien très fort avec son île de cœur. Résidant à Maurice depuis quelques années, il a signé l’un des plus beaux documentaires jamais réalisés chez nous : Mystic Mauritius.
Cela faisait déjà quelques années qu’on attend impatiemment la sortie de Mystic Mauritius. Rappelez-vous, le film-documentaire- événement avait beaucoup fait parler de lui en 2016, lorsqu’un aperçu avait été publié sur le Net. Mais ce n’est que deux ans plus tard, le 15 mai 2018, que le documentaire tant attendu sera révélé au grand public.
« Le temps de réalisation a été très long, mais aussi la postproduction. Nous n'étions que deux à travailler sur ce film », rappelle Damien Dittberner, jeune réalisateur américano-mauricien qui a signé, à l’aide de son frère Alexis, ce magnifique hommage à la nature originelle de notre île. Sans compter qu’Alexis a quitté Maurice il y a deux ans, laissant son frère seul aux commandes.
Ce que Damien et son frère souhaitaient transmettre au public, à travers ce film où l’on ne voit aucune trace de présence humaine, c’est « une image de Maurice avant l'arrivée de l’homme ». L’objectif était donc de ne filmer que des scènes avec des plantes et des animaux endémiques… Autant que possible, évidemment.
Ajoutez à cela une qualité d’image extraordinaire, des plans à couper le souffle, des vues sous-marines, des promenades en altitude, une bande-son originale et unique signée Alexis Dittberner… Mystic Mauritius a sans aucun doute le potentiel d’atteindre les sommets, et rien à envier aux meilleurs documentaires de National Geographic. Il faut dire que Damien est loin d'être un amateur. Il a travaillé durant plusieurs années à New York, tournant des publicités et des clips pour des stars internationales de la musique. « Je suis né à Bruxelles. Mon père travaillait à l’ambassade américaine, et ma mère à l'ambassade mauricienne. Ils se sont rencontrés en Belgique, se sont mariés, puis sont partis vivre aux Etats-Unis quand j’étais bébé », se souvient le réalisateur.
Damien grandit à Washington, dans une petite banlieue américaine typique. Pourtant, depuis tout jeune, sa mère lui inculque l’amour de son pays, une petite île lointaine dont la plupart de ses amis n’ont jamais entendu parler. « Nous revenions souvent à Maurice, au moins une fois par an, et je ne me souviens même pas de la première fois que mes parents m’y ont emmené. L'île a toujours fait partie de ma vie, et lorsque j’ai grandi, j’ai eu très envie de m’y installer », racontet-il.
Après des études en communication et journalisme à Philadelphie, Damien s’installe à New York pendant deux ans pour travailler. En 2011, son frère et lui décident de réaliser un rêve: s'établir sur l'île pour partir en quête de leurs racines mauriciennes. « Maurice est une île magnifique, très riche au niveau culturel, mais c’est surtout la gentillesse des Mauriciens, leur sens de l’accueil, qui m’ont toujours attiré ». S’il a toujours adoré l'île, Damien n’a pas manqué, à chacune de ses visites, de constater les désolantes cicatrices laissées par un développement immobilier un peu sauvage sur quelques coins de nature.
En 2014, en allant camper avec des amis à l'île d’Ambre, l’un des derniers sanctuaires naturels mauriciens, Damien a une révélation: « Je m'étais réveillé à l’aube, et j’admirais le lever du soleil. J’ai pensé que c'était sans doute la même vision qu'ont eu les premiers hommes qui ont posé le pied à Maurice. De là, je me suis dit : pourquoi ne pas faire un film sur les derniers morceaux de nature intacts à Maurice? ». Après une levée de fonds sur Internet, Damien et Alexis ont récolté suffisamment d’argent, en 2015, pour se lancer à fond dans ce projet fou. Le tournage les emmène un peu partout autour de Maurice, dans les moindres recoins de forêts endémiques toujours debout: la Vallée de Ferney, la réserve de Frédérica, les gorges de Rivière Noire, l’île aux Aigrettes… « Les gens n’ont souvent pas conscience que, malgré l’importante déforestation, il existe encore pas mal de poches de nature endémiques sur l'île », soutient le réalisateur.
La destination préférée de Damien reste toutefois l'île Ronde, où il a pu passer quelques jours en compagnie de son frère et du photographe Xavier Koenig pour immortaliser quelques scènes magiques. L’île, une réserve naturelle étroitement surveillée, est interdite au public. Il leur a donc fallu se contraindre aux éprouvantes démarches administratives pour s’y rendre. Mais, pour Damien et ses amis, cela en valait largement la peine: « Ce n’est que là-bas que j’ai pu voir à quoi pouvait ressembler la côte de Maurice avant que l’homme n’y mette les pieds »
Au-delà de la magnificence des images et de la qualité du documentaire, Mystic Mauritius nous montre la fragilité des écosystèmes mauriciens, et surtout la manière dont tout est lié. Le moindre petit changement, la moindre petite espèce d’insecte qui disparaît, et c’est tout un monde qui est menacé. Si le message écologique n’est pas la priorité du film, il est néanmoins indéniablement présent. Pour Damien, malgré toutes les pressions subies par la nature à Maurice et ailleurs, il reste de l’espoir. « On ressent un changement de mentalité de par le monde, une prise de conscience sur l’importance de préserver la nature. Nous sommes sur la bonne voie », pense-t-il.
De quoi sera fait l’avenir pour le talentueux réalisateur mauricien? « Je ne sais pas trop, avoue-t-il. Je compte continuer à faire des films, bien sûr, mais je ne suis pas certain que le prochain sera un autre documentaire. Pour le moment, j’ai très envie de me remettre à l'écriture, peut-être pour une œuvre de fiction. On verra bien ». En attendant, Damien prévoit de rendre visite à sa famille aux États-Unis, ce qu’il n’a pas fait depuis déjà quatre ans.