Philippe Houbert revient sur scène au mois de mai avec « Chat et Souris », une savoureuse suite de « Stationnement alterné » qui avait connu un vif succès en 2017. Comme à chaque fois, les amateurs de théâtre, et ils sont nombreux, trépignent d’impatience de le revoir. Et cela dure depuis plus de 50 ans, à tel point, qu’il se considère lui-même comme « un dinosaure ». Son engagement en faveur du théâtre et des spectacles fait de Philippe Houbert un personnage marquant de la culture mauricienne. Une façon de justifier notre rencontre, pour le moins passionnante avec lui.
Philippe Houbert, même s’il vit la moitié de l’année en France, est indissociable de la vie culturelle mauricienne. Sa carrière débute alors qu’il n’a que quinze ans. Né à Rose-Hill, il a grandi à Quatre Bornes et fréquentait le collège Saint Mary’s. C’est lors d’un spectacle pour la kermesse du collège, alors qu’il présente une soirée pour un tour du monde en chansons, qu’il se fait remarquer par Yacoob Bahemia, producteur de la radiotélévision nationale.
Séduit par la prestation du jeune Philippe, il prend contact avec ses parents afin qu’il puisse travailler à la télévision. Son talent l’amènera à faire aussi de la radio, devenant le plus jeune animateur de radiotélévision de l’océan Indien. « J’avais l’appellation de « duty announcer », un speaker qui lisait les journaux à la télé et à la radio. J’animais également des émissions télévisuelles pour les jeunes avec Jacques Cantin ».
Philippe continuait à fréquenter le collège avec la bénédiction de son père qui demandait quand même de bonnes notes. « Le van de la MBC venait me récupérer à la maison. Je partais avec mon sac d’école et je faisais mes devoirs dans le studio entre deux émissions. J’étais en short avec une veste et une cravate. C'était entre 1968 et 1970, Yacoob m’appelait le « blue-eyed boy of the island. » J’ai tout appris sur le tas, faisant cela par intuition ».
Il ira néanmoins, à la faveur de bourses, en France et en Angleterre pour des formations en audiovisuel et au festival de Confolens, pour jouer Paul et Virginie, avec toute une troupe, dont Soorya Nirsimooloo (Gayan) qui dansait sur un poème de Raymond de Kervern, Apsara la Danseuse. Parallèlement, Philippe fait du théâtre notamment grâce à son oncle, Robert Houbert, homme de théâtre, qui montait des pièces comme Luc Legris et Guy Lagesse, des passionnés qui l’ont aussi attiré vers cet art tout comme ses parents également grands amateurs.
« Toute la famille était férue de théâtre et de spectacles. Il est vrai qu’à l’époque, il y avait des théâtres comme le Plaza et celui de PortLouis, des saisons lyriques. C’était une culture naturelle. Il y avait six à sept pièces par an, et on faisait une quinzaine de représentations par pièces ».
La vie en France ne sera pas facile avec Valéry Giscard d’Estaing à la présidence, affirme Philippe. « J’avais quitté un acquis pour une nouvelle aventure. Il fallait s’accrocher. J’ai été l’assistant de Gérard Cyr, producteur et animateur de France Inter et scénariste également des films de Jean Yann, pendant cinq ans. C’était aussi le début de l’événementiel et, avec ma formation, j’ai pu continuer dans ce secteur ».
Pour autant, Philippe ne coupe pas les ponts avec l’île Maurice où, avec Daniel, il monte notamment des spectacles à la Citadelle. Puis au début des années 90, après la rénovation du théâtre de Port-Louis, les deux compères montent une pièce tous les ans pendant dix ans, jusqu’à la fermeture du théâtre. Avec la fermeture du Plaza également, Philippe s’est réfugié au théâtre Serge Constantin où il a joué notamment la Cage aux Folles et Stationnement Alterné. C’est là qu’il jouera Chat et souris (jeu de mots, sur la chat (anglais) et souris d’ordinateur), suite de Stationnement Alterné de Ray Coonee, auteur fétiche dont il joue la troisième pièce.
« Il ne devait pas être satisfait de la fin de Stationnement Alterné, un peu faiblarde par rapport au reste de la pièce. C’est pourquoi, il a écrit la suite 17 ans après : les deux mamans ont eu un enfant avec le chauffeur de taxi, toujours bigame. Les deux enfants se rencontrent sur internet fortuitement et tombent amoureux l'un de l'autre. La pièce démarre quand ils se donnent rendez-vous. Toute la pièce se joue autour du fait qu’il faut les séparer ».
Une dizaine de représentations sont prévues, dont une gratuite pour les écoles en matinée, « afin de communiquer cette passion ». « D’ailleurs, dans la nouvelle pièce, il y a deux adolescents, repérés dans des cours de théâtre d’école, disons que c’est une sorte de transmission ». Le duo se flatte d’ailleurs d’avoir formé une trentaine de comédiens jusqu’ici.
Ce passage de témoin serait-il un signe d’essoufflement ? Philippe rétorque que le théâtre est pour lui une vocation comme d’autres sont passionnés par le golf ou autre chose. « Maintenant, le désir de transmission est fort. Je me sens redevable envers ceux qui m’ont donné cette chance. Je ne me suis jamais réveillé le matin en me disant qu’il faut aller travailler ; il faut communiquer cette passion ». Cette passion est si forte qu’il n’a même pas le trac avant de monter sur scène affirme-t-il. « Je suis béni des cieux car je n’ai jamais eu le trac. Est-ce une bonne chose car il y a un grand comédien qui a dit que le trac arrive avec le talent ? Il y a toujours une petite appréhension mais il faut se concentrer, je m’enferme dans ma bulle et je peux tuer quelqu’un si on me dérange pour autre chose que la pièce ».
Philippe a joué de tout mais comme la demande pour les comédies est plus forte, il en a tout naturellement fait plus. « On nous reproche parfois de ne faire que de la comédie mais cela correspond à la demande. Les gens ont envie de rire, de se divertir. Je rêve de jouer des pièces plus sérieuses mais cela demande énormément de travail, et si c’est pour faire trois représentations, ce n'est pas la peine ».
Attention, prévient-il, « la comédie est plus difficile car on peut passer à côté et tout s’écroule ». « La comédie est une musique, si vous donnez le bon ton, les gens rient. Mais la même phrase avec une intonation différente peut ne rien donner », ajoute Daniel Mourgues. « C’est une partition », continue Philippe « on donne le bon ton dans la manière dont on décode la partition. Il y a aussi de l’intuition : il faut qu’une comédie aille à toute allure, comme le dit Francis Perrin ». « S’il y a des temps morts entre deux répliques, le soufflet tombe ». On espère qu’il ne tombera pas dans la prochaine pièce de Philippe et Daniel mais aussi pour toutes les pièces à venir. Rendez-vous au mois de mai.