L’histoire de la baie de Grand Port, de Mahébourg et des villages avoisinants est indissociable de la mer. Les régates de Mahébourg sont aujourd’hui une attraction qui réunit à chaque fois une foule de Mauriciens mais aussi des touristes. Cette tradition de la voile et de la mer naît souvent dès l’enfance et se transmet de génération en génération. Beaucoup de barreurs font ainsi leurs premières armes avec des « canots raphia ». Quelque peu délaissée ces dernières années en raison de l’envahissement des jeux digitaux, la tradition de ces petites pirogues a refait surface grâce notamment à deux passionnés, Shoueb Mamoojee et Jean-François Marday.
Les deux amis nous ont donné rendez-vous au rond-point de Petit Bel Air sur la route qui relie l’aéroport de Plaisance à Ferney. Nous les suivons à travers champs vers la rivière des Créoles. C’est là que se trouvent les arbres de raphia qui servent à fabriquer les canots. « Les canots sont fabriqués avec du bois de raphia, une sorte de « palmier » que l’on trouve dans les régions boisées, près des cours d’eau. Autrefois, on ne pouvait pas accéder à ce lieu et on utilisait le bois qui était charrié lors des débordements de rivières qui les poussaient jusqu’à la mer », raconte Shoueb Mamoojee. « Ce bois était aussi utilisé comme bardeaux dans la construction des toits de campements et on en récupérait les bouts qui restaient », ajoute Jean-François Marday.
Pour construire un canot raphia, cela prend un peu de temps, il faut aller chercher le bois, le nettoyer, le sculpter, le polir, le peindre, l’habiller avec ses mâts et voiles, ajouter le flotteur ; tout cela prend au moins une semaine, nous dit Jean-François. La méthode de fabrication n’a pas changé et l’outil principal reste un couteau bien aiguisé, ou un cutter. Par contre les voiles qui étaient confectionnées à partir de morceaux de sacs en plastique ont été remplacées par des tissus que l’on trouve facilement à la foire de Mahébourg. Le mât, ou vergue, qui était autrefois un morceau de bambous, souvent d’une ancienne gaulette utilisée pour pêcher les petits rougets, a aussi été remplacé par des bouts de cannes à pêche récupérés, mais en carbone, donnant une structure plus légère. Autre signe de modernité, la peinture qui se fait au moyen d’une bombe aérosol. Les deux compères ont tous deux connu le bonheur de lancer ces petites voiles dans les lagons du sud-est de l’île depuis l’enfance. Shoueb, qui habite Quartier, région nord de Mahébourg, qui s’étend entre la rivière La Chaux et la mer, explique que les canots raphia sont une partie de son enfance. Il en fabrique et en joue depuis plus de 33 ans. « Quand tu es dans l’eau avec ton canot, tu peux passer des heures à y jouer ».
Quant à Jean-François Marday, qui habite Blue Bay, il a fait de sa passion de la voile et de la mer son métier puisqu’il est aujourd’hui skipper et organise des randonnées touristiques sur la côte est de l’île. Il s’est remémoré son enfance en voyant un jeune jouer avec son canot. Avec son ami Shoueb, il a voulu faire revivre ce plaisir d’autrefois. « Nous avons décidé d’organiser une compétition de canots pour inviter les jeunes à découvrir autre chose que les smartphones et les tablettes, les joies simples des jeux d’autrefois », explique Shoueb. « Ce sont les petits canots qui vont donner aux enfants l’envie de faire des régates plus tard. Il y a les meilleurs barreurs de la région qui ont débuté comme ça », affirme Jean-François.
La compétition, qui s’est tenue le 11 février dernier, a attiré plus d’une quinzaine de participants et quelque 200 spectateurs dans la baie, à gauche de la Pointe des Régates. Au-delà de l’attente des deux amis qui veulent remettre ça pour bientôt.