Corinne Fleury

Corinne Fleury veut donner une voix par le livre

Si vous aimez les livres, vous avez peut-être entendu parler de l’Atelier des Nomades mais peut-être pas des personnes qui se cachent derrière et, plus particulièrement, Corinne Fleury. Amoureuse des livres et mauricienne jusqu’aux bouts des ongles, elle a voulu se lancer dans la création d’une maison d’édition avec son mari « pour ne pas oublier qui nous sommes, pour montrer la tradition, la culture mauricienne, pour donner une voix par le livre, pour que le livre passe de main en main, de pays en pays, pour qu’il soit nomade. »

Corinne est tombée amoureuse des livres à Maurice mais a découvert l’édition en France. Au cours de son année de licence de lettres, elle suit une spécialisation en métiers du livre. « J’ai tout de suite compris que je ne voulais pas seulement lire des livres mais qu’il fallait que je sois de l’autre côté du miroir pour donner vie aux mots et à l’image. »

Corinne Fleury passe beaucoup de temps en bibliothèque et en librairie pendant ses années d’études. Elle découvre alors une production française riche et dense. Lorsqu’elle revient à Maurice et fréquente les librairies, elle se rend vite compte du déséquilibre entre la production de livres étrangers et celle de la production locale. « À Maurice, nous avons des auteurs, des artistes, nous avons tant à dire sur notre culture mais pourtant cette voix, ces émotions ne transparaissent que très peu en librairie. »

Cette ambassadrice des auteurs mauriciens est d’avis que son île est une terre d’écrivains et d’artistes. L’Atelier des Nomades, une maison franco-mauricienne portée par la curiosité, la rencontre des cultures et la découverte de l’autre, voit le jour en 2010. « L’an dernier tous nos albums ont été classés par la Revue jeunesse de la Bibliothèque de France parmi les 1 000 livres pour enfants à lire en 2017 ! Le Bestiaire mauricien a eu le Prix spécial du jury au Salon du livre d’Ouessant. Notre île et ses auteurs ont leur place sur la scène internationale. La seule condition étant de faire des livres de qualité ».

Année charnière

2018 est une année charnière pour l’Atelier des Nomades avec plusieurs gros chantiers et projets. La maison d’édition étend sa diffusion à La Réunion, en France, en Suisse et en Belgique. C’est aussi l’année où le couple organisera le premier festival du livre jeunesse de Maurice avec des auteurs et illustrateurs de l’île Maurice et de l’océan Indien. « Et puis, il y a un projet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel je travaille depuis bientôt un an : une collection de romans. Jusque-là nous n’avions pas encore exploré la littérature générale jusqu’au moment où je me suis laissée dire que les Mauriciens ne lisent pas ! Je pense qu’il faut apprivoiser le lecteur quel qu’il soit, je ne crois pas en la lecture élitiste, je crois en la lecture et la culture pour tous. Alors nous allons faire ce que nous faisons depuis 6 ans, des livres avec des auteurs de qualité à un prix accessible. Il s’agira d’achat de droits d’auteurs mauriciens publiés à l’étranger, de romans d’auteurs mauriciens dans le domaine public mais aussi des romans inédits d’auteurs contemporains. Parmi tous les beaux projets de livres de cette année, le prochain titre qui paraîtra sera un livre pour enfants : Tizan et le loup d’Amarnath Hosany, Véronique Massent et Solen Coeffic. Un album magnifique qui mêlera le conte créole aux contes de Perrault et qui sera disponible en mai prochain. »

Corinne Fleury tient cet amour pour les livres de son père. Sa sœur Annabelle et elle ont grandi dans une famille où le livre est roi. « Je me souviens à quel point la bibliothèque de mon père m’impressionnait lorsque j’étais encore une gamine. À cette époque où nous n’avions pas internet, mon père avait réponse à tout dans sa bibliothèque ! Je me souviens d’heures entières à explorer des livres sur l’Égypte, à rêver des pharaons et des pyramides grâce aux belles photos de ces livres. Mes parents nous ont toujours communiqué l’amour des histoires. Mon père m’emmenait chaque mois au coin librairie du Prisunic où je pouvais choisir un livre. J’attendais ce moment avec impatience pour dévorer un nouveau Fantomette ou Club des cinq » se remémore-t-elle.

Corinne est diplômée d’un master de lettres modernes avec une spécialité en littérature jeunesse ainsi qu’un master d’édition. Elle fera ses premières expériences dans l’édition, notamment chez Actes Sud à Arles. Elle a aussi connu « le Goncourt ; le Fémina dans une liesse et joie immenses de voir primer des auteurs comme Laurent Gaudé et Nancy Huston que nous avions tous soutenus. J’ai fait un passage aux Éditions La Martinière et de plus longues années chez Flammarion à la jeunesse. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler sur les beaux albums du Père Castor avec des auteurs et illustrateurs fabuleux comme Charlotte Gastaut et Olivier Tallec. C’est chez Flammarion que j’ai rencontré Sébastien Pelon qui est désormais aussi un illustrateur de l’Atelier des Nomades. Et finalement, il y a les Éditions Playbac, un éditeur dynamique chez qui je suis encore chef de fabrication. J’explore avec eux des formats improbables, un vrai challenge professionnel qui me stimule ! »

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