Larves de guêpes frites, l'ingrédient indispensable du tifine créole.

Tradition perdue: le “tifine créole” et ses “moutoucs” de “mouches jaunes”

Vieille habitude oubliée de l'île Maurice, le “tifine créole” est un pique-nique qui se mange en milieu d'après-midi. Parmi les spécialités proposées aux invités: du riz, des brèdes et un rougail de ‘chevrettes’, sans oublier les indispensables larves de guêpes frites...

De nos jours à Maurice, l'appellation “tifine” est encore utilisée, bien qu’assez rarement, pour désigner le petit-déjeuner. Cependant, le “tifine” est à l’origine un repas fait maison à emporter. Ainsi, les écoliers d’autrefois transportaient des “tentes tifine”, petits cabas de vacoa tressé, tandis que les adultes ne partaient pas au travail sans leur “katora” (récipient de fer blanc d’origine indienne) pour leur “tifine”.

Généralement, on dégustait le tifine créole au bord d’une rivière ou à l’ombre de grands arbres.

Généralement, on dégustait le tifine créole au bord d’une rivière ou à l’ombre de grands arbres.

Le “tifine créole”, selon l’ancienne coutume désormais révolue, se mange vers 3 heures de l'après-midi. Les participants se retrouvaient dans un petit coin de nature, sur les berges d’une rivière ou à l’ombre rafraîchissante des manguiers, pour partager un repas plutôt léger.

Lors du tifine créole, il était habituel d'apporter du riz déjà cuit, que l’on réchauffait dans une casserole posée sur un feu de bois. On préparait aussi rapidement quelques brèdes à l'étouffée, ainsi qu’un bon rougail de chevrettes. Les chevrettes sont de toutes petites crevettes que l’on pêche dans les rivières au clair de lune. Jusqu’ici, rien d’extraordinaire, mais le plat de résistance est assez surprenant... Il s’agit de ce qu’on appelle à Maurice des “moutoucs” de “mouches jaunes”.

Pour ceux qui ne le savent pas, le mot créole “moutoucs” désigne les grosses larves que l’on trouve dans les nids de guêpe (et par extension, celles de plusieurs autres insectes). Encore aujourd’hui, de nombreux mauriciens sont extrêmement friands de ces larves. Pour obtenir ces délices, les guêpes sont chassées de leur nid par fumigation. Un linge imbibé d’essence est placé au bout d’un long bâton, que l’on agite près du nid pour enfumer la colonie.

Une fois les mouches jaunes parties, il suffit de faire tomber le nid. On trouve dans chacune des alvéoles de grosses larves bien grasses, de couleur blanchâtre et dotées d’une tête noire. Pour sortir les bêtes de leur cachette, il suffit de placer le nid au-dessus de la flamme d’une bougie. La récolte de moutoucs est une activité dangereuse, les piqûres étant très douloureuses.

Pour préparer ce met délicat, il suffit de faire frire les larves dans de l’huile avec un peu d’oignons, du sel et du jus de citron. Les larves sont ensuite servies avec le riz, le bouillon de brèdes et le rougail de chevrettes. Les participants au tifine créole, installés dans l’herbe, dégustent de petites portions tout en savourant le spectacle de la nature.

Il est à noter que les larves de guêpes sont également très recherchées à La Réunion, où elles sont beaucoup plus rares qu'à Maurice. Raison pour laquelle certains Réunionnais viennent chaque année passer quelques jours à Maurice pour faire la chasse aux guêpes. Dans l'île sœur, un kilo de larves peut en effet coûter jusqu'à 100 euros! Toutefois, les nids de mouches jaunes sont aussi de plus en rares à Maurice, à cause de l’urbanisation galopante. Ce qui n'empêche pas les connaisseurs de continuer à savourer de temps en temps leur plat de “moutoucs frits”, et ce même si la tradition du “tifine créole” n’est plus qu’un lointain souvenir...

Photo en tête d'article: Larves de guêpes frites, l'ingrédient indispensable du tifine créole

Laisser un commentaire