Il fit autrefois la fierté de la Ville Lumière. Dans un état déplorable de nos jours, l’hôtel de ville de Curepipe n’est plus que l’ombre du bâtiment resplendissant qu’il fut jadis. Retour sur la triste histoire d’une des belles constructions coloniales de Maurice.
Quiconque pose les yeux aujourd’hui sur l’hôtel de ville de Curepipe ne ressent que tristesse et incompréhension. Ce bâtiment fut pourtant, jusqu'à récemment, l’un des plus beaux de la Ville Lumière et de Maurice. Complètement délabrée et laissée à l’abandon, la magnifique bâtisse n’est qu’un exemple de plus du peu de considération avec lequel maintes constructions historiques sont malheureusement traitées sur notre île.
C’est en février 1902 que démarra la construction de l’hôtel de ville de Curepipe, avec la pose de la première pierre par le gouverneur d’alors, Sir Charles Bruce. Mais, en réalité, le bâtiment était déjà fort âgé à ce moment. Connu jadis sous le nom de “La Malmaison”, l’hôtel de ville trônait autrefois au pied des montagnes de Moka. Cette maison coloniale typique de l'époque française, avec ses superbes toits en bardeaux, ses magnifiques murs de bois peints et ses fenêtres finement détaillées, était déjà réputée à l'époque des Français pour être l’une des plus belles demeures de l'île.
Retour à Curepipe. A la fin du 19e siècle, l’emplacement actuel de l’hôtel de ville était occupé par un vieux casino qui tombait en ruine. Les habitants demandèrent au Board de Curepipe, qui gérait la ville à l'époque (il n’y avait pas encore de Conseil Municipal), de leur construire un bâtiment où ils pourraient organiser des mariages, des fêtes et divers événements.
Par coïncidence, la Malmaison était justement en vente à cette période. Le Board en fit l’acquisition pour une somme de Rs 25 000. L’objectif était, à ce moment, d’utiliser les matériaux de la Malmaison pour reconstruire un bâtiment similaire, mais beaucoup plus vaste, à Curepipe. Fort heureusement, l’architecte en charge des travaux, un certain monsieur Manuel, préféra reconstruire la demeure à l’identique.
Au cours de l'année 1902, donc, la Malmaison fut démontée et quitta à jamais les montagnes mokassiennes. Bien que compliqués, les travaux durèrent moins d’un an, et l’hôtel de ville flambant neuf fut inauguré en grande pompe en décembre par le gouverneur. Durant près d’un siècle, l’hôtel de ville accueillera les Curepipiens lors d'événements festifs, mariages, fêtes nationales, “fancy fairs”, parades…
Trônant au milieu d’un jardin luxuriant, l’hôtel de ville était un lieu de rassemblement pour les Curepipiens, et devint au fil du temps l’un des symboles de la ville. Malheureusement, ses charpentes de bois n’ont pas résisté aux assauts du temps et au climat humide de Curepipe. Jusqu’au milieu des années 2000, pourtant, la vieille demeure resta l’une des constructions coloniales les mieux conservées de l'île.
Cela fait de longues années maintenant que l’on parle d’une restauration de ce patrimoine inestimable. La municipalité curepipienne avait annoncé en 2017 avoir réuni la somme de Rs 120 millions pour rendre à la demeure sa beauté d’antan. Un appel d’offre fut réalisé, et une société a été sélectionnée pour les travaux de restauration. Cependant, ceux-ci ont été repoussés à plusieurs reprises. Et, en octobre 2017, des employés de la société de restauration ont été gravement blessés après l’effondrement d’une partie du toit, alors qu’ils effectuaient une évaluation des dégâts. La vieille bâtisse sera-t-elle sauvée?
Photo en tête d'article: De nos jours, la superbe demeure coloniale est dans un état de décrépitude avancée.