Bravant d’énormes vagues, Arthur Tallat sauva les 81 passagers du navire Le Diego, au large de l’île d’Aigle aux Chagos, le 20 juin 1935. Voici son histoire.
Lorsqu’il montait à bord de navires de guerres durant la seconde guerre mondiale, la redingote ornée de sa médaille de bravoure, Arthur Tallat se faisait, à sa grande surprise, saluer par les officiers de bord. Chose plutôt rare, pour un Chagossien. Mais Arthur Tallat méritait amplement ces honneurs.
Sa bravoure sauva les 81 passagers du Diego, un trois-mâts ravitailleur qui échoua sur les récifs de l’île d’Aigle, aux Chagos, le 5 juin 1935. Ce jour fatidique, le vieux bateau, construit en Angleterre en 1868, est à l’ancre au large de l’île d’Aigle. Un brusque changement de direction du vent le drossa inexorablement sur les brisants, avec tout son chargement et ses passagers.
Après plusieurs tentatives infructueuses, l’équipage parvint à attirer l’attention des habitants de l’île avec une fusée éclairante. Un brave occupant du Diego tenta de rejoindre la terre avec un câble, mais il échoua face aux terribles rouleaux.
Soudain, l’un des pêcheurs à terre mit à l’eau une petite barque et s’élança contre les déferlantes. « Il essaya plus de vingt fois, mais, à chaque tentative, les vagues remplissaient sa petite barque », relate l’apprenti officier du Diego, Malcolm Thomson, tel que retranscrit dans « Les Ziles Là-Haut », de Jean Marie Chelin (2012).
« Entretemps, l’homme à la petite barque continue ses tentatives et réussit, à demi submergé, à rejoindre le Diego. Son nom était Arthur Tallat », continue le marin. Muni d’un filin, le Chagossien fit chemin inverse, aidé cette fois par les vagues. Il rejoint le rivage, et la corde fut arrimée à un cocotier. Des aller-retour avec la barque entre le bateau et le rivage permirent de sauver la totalité des passagers et des membres d’équipage.
Non content d’avoir sauvé tant de personnes, Arthur Tallat fit également partie des volontaires qui, quelques jours plus tard, quittèrent l’île d’Aigle en direction de Peros Banhos dans une embarcation de fortune pour y chercher du secours. Les provisions de l’île ne suffisaient pas pour nourrir naufragés et habitants, et il n’y avait aucun moyen de communication avec le reste de l’archipel. Après cinq jours en mer, durant lesquels ils ne mangèrent que quelques biscuits, ils regagnèrent l’île d’Aigle.
Une autre tentative fut couronnée de succès, et les naufragés rentrèrent à Port-Louis le 13 octobre, trois mois après le naufrage du Diego. Arthur Tallat se vit remettre la Lloyd Silver Medal pour bravoure et sauvetage en mer l’année suivante.
Arthur n’est pas le seul Chagossien de la famille Tallat à s’être illustré. Lisette Tallat fut l’une des grandes figures de la lutte des Chagossiens contre leur exil forcé. Elle s’est éteinte à l’âge de 70 ans, en 2012, à Maurice. Elle n’a jamais revu ses îles natales.
Cette histoire est tirée de « Les Ziles Là-Haut » de Jean-Marie Chelin, livre qui regorge d’histoires, de photographies d’époque et d’anecdotes passionnantes sur l’archipel des Chagos avant son excision de la République de Maurice. L’ouvrage sera réédité prochainement.
.
.
Photo du haut: Un piroguier de Diego Garcia. C’est sur une embarcation de ce type qu’Arthur Tallat sauva les passagers du Diego.
Note: Toutes les photos sont tirées du livre « Les Ziles Là-Haut, de Jean-Marie Chelin (photos de Kirby Crawford).