L’île Maurice est un peuple cinq étoiles - Bamba Sourang, photographe

L’île Maurice est un peuple cinq étoiles - Bamba Sourang, photographe

Bamba Sourang est né à Thiés au Sénégal au sein d’une grande famille africaine avant de rejoindre la France pour poursuivre ses études et s’y installer. Sa passion pour la photo l’a amené à visiter plusieurs pays donc l’île Maurice dont il est tombé amoureux depuis 15 ans. Il a tenu sa première exposition solo sur l’île fin juin à mi-juillet dans la galerie de la banque Afrasia à Port-Louis. Pour Côte Nord, Bamba a bienveillamment accepté d’expliquer sa passion pour Maurice et pour la photographie lors d’un entretien réalisé avec le concours de l’hôtel Le Prince Maurice.

Bamba, comment avez-vous découvert la photographie ?
A mon arrivée en France pour compléter mon bac. J’ai débarqué dans le Périgord et j’ai tout de suite été touché par la nature extraordinaire, le peu d’habitations, et la verdure omniprésente. Comme j’ai grandi dans une culture d’échange et de partage, j’ai eu envie de prendre mon appareil pour aller photographier certaines choses dans un esprit d’échange avec ma famille qui était restée au Sénégal.
Au départ c’était la catastrophe. Ce que je photographiais était bien en deçà des émotions que je traversais quand je vivais ces rencontres dans ces lieux. Alors, pendant des années je n’ai pas arrêté de travailler pour comprendre la lumière. Je me suis levé à six heures du matin pour aller travailler, comprendre cette fameuse lumière. A un moment cela a sonné comme une évidence. J’avais une meilleure compréhension de la lumière de la perspective sans pour autant m’imposer de règles établies.

Vous privilégiez beaucoup la lumière naturelle …
Tout à fait. Je fais partie de ceux qui considèrent que la lumière naturelle, à beaucoup de moments de la journée, s’inscrit dans la perfection par sa beauté par sa poésie et véhicule les sentiments humains. Et que la lumière artificielle, qu’elle que soit sa beauté ne fait qu’imiter la lumière naturelle sans jamais l’égaler.

Mais comment arrivez-vous à maîtriser cette lumière naturelle ?
Ce serait prétentieux de parler de « maîtrise ». Par, contre on sent que la lumière est comme une partition. Par exemple, quand on fait du solfège, à un moment on sait lire les partitions. Le plus difficile c’est d’arriver à effacer les réflexes, des repères, qui, dès que l’on a des acquis, sont, à mon avis, à l’opposé de la création. Je suis toujours en train d’attendre que la lumière rencontre la matière et mes émotions pour savoir quelle est la meilleure façon de révéler le sujet. Et c’est là, je crois, la difficulté. Quand je me balade, la lumière va dessiner des ombres et les ombres valorisent la lumière, une perspective se créé et tout ça passe naturellement et devient dans l’instant ma vérité de photo.

Quelles sont les thématiques que vous privilégiez dans votre travail ?
J’ai beaucoup photographié l’humain à travers mes voyages. Mon inspiration et mes lumières ont alors touché le monde professionnel et j’ai intégré le monde de la mode, ce qui ne m’a pas forcément plu…

Pourquoi?
Pour des contraintes humaines. Il y a une forme de dictature dans ce qui peut être bien ou pas. Et moi j’avais une conception de la photo comme étant un vecteur de liberté et non de contraintes. Pour moi, la création permet de s’inscrire dans la liberté. Je ne pouvais pas rester dans un cercle qui pouvait restreindre cette liberté-là. Du coup je me suis porté vers des domaines qui m’ont apporté plus de liberté, plus de paix. Prendre ma voiture et rouler pour photographier des gens, des lieux, s’inscrit plus dans une inspiration qui me correspond plus et qui correspond à ma double culture sénégalaise et française.

Dans cette perspective, qu’est-ce qui vous a attiré à l’île Maurice ?
J’ai été appelé à venir à Maurice pour faire des photos pour un guide. Mais j’avais une conception de Maurice comme une destination plage et farniente ne pouvant nourrir mes envies en raison de sa « platitude » alors que j’ai envie de rencontres, de partage et d’émotions. Mais le commanditaire m’a convaincu en me montrant des photos prises par son père à Maurice, de petits commerces, des scènes de la vie de tous les jours et j’ai changé mon regard. Ce qui était frappant c’était d’arriver et de se sentir chez soi.
J’étais venu pour faire des photos de ce tout ce qui faisait la destination, plage, cocotiers, etc. mais je suis revenu pour les gens, l’énergie, la grandeur et la dignité de ce peuple. J’ai trouvé la beauté et cette passerelle de ce peuple mauricien ou, quel que soit l’ailleurs, on a une affinité avec cette culture parce que c’est un assemblage de différentes cultures, c’est la dimension d’un continent. Il y a une alchimie entre Maurice, cette lumière, ce peuple, cette ambiance, ce lieu cinq étoiles. Ce sont les gens qui font que ce lieu soit cinq étoiles. Et l’île Maurice est un peuple cinq étoiles. Je le dis vraiment sans démagogie.

Pour en venir au travail que vous avez exposé à Maurice, comment expliquer ce cheminement ?
J’ai eu la chance d’être né et d’avoir grandi dans une famille de classe moyenne supérieure avec un engagement de tous les jours de mes parents pour aider les gens du voisinage dans des moments clés pour les études ou autres. Je les ai toujours vu donner pour que les autres ne subissent pas l’indifférence générale. Ce n’était pas de l’assistanat mais juste donner l’impulsion qu’il faut. On ne peut pas dire que tout va bien si on vous voit, on vous sent dans l’oubli. Quand on est enfant, ce n’est pas tant ce qu’on vous dit pour votre éducation qui est important mais bien ce que l’on voit faire autour de nous.
Artistiquement j’ai commencé ma carrière de photographe dans la performance du plus beau. Le plus beau mannequin, le plus bel hôtel, les plus belles lumières. J’ai réalisé avec le temps et avec la maturité que j’avais dans ma collection des images, des textures, des bouts de mur que j’avais photographiés qui avaient autant d’impact émotionnel que les belles choses que j’avais photographiées et pour lesquelles on me paye.
Des vieux bâtiments dont on ne fait plus attention, la boutique du quartier, des gens qui ont eu une vie. Et j’ai fait un parallèle avec notre société de performance où la reconnaissance passe par la réussite, par le succès, où les gens qui sont dans l’ombre ne sont pas intéressants, les gens qui n’ont pas de fonction sociale peuvent tomber dans l’oubli. Et je me suis dit qu’il me fallait avoir un parti pris. Il y a une vraie conviction de photographier des choses qui subissent l’indifférence, qui sont en fin de vie, qui ne nous intéressent plus. Je leur donne une nouvelle existence à travers mon image et je fais en sorte que les gens s’arrêtent pour enfin les regarder.

Vous les avez retirés de l’ombre pour les remettre dans la lumière.
Je les ai remis dans la lumière et j’ai eu un parti pris suffisamment fort pour qu’ils puissent dire « moi j’existe ».

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