Pour les rencontrer, nous avons longé les cimetières St Georges et Gébert à Port-Louis et suivi les grincements de la disqueuse sur la pierre. Le métier de « tombaliste », tailleur de pierre tombale, n’est pas des plus simples à exercer. Il suffit de prendre son temps et de s’asseoir aux côtés de ces hommes pour mieux comprendre leur quotidien.
Le bruit assourdissant de la disqueuse sur la pierre indique que Roland Botte est affairé à travailler sur une commande à finir dans les jours qui suivent. A cette période de l’année, les commandes sont rares, la journée des défunts, qui comme tous les ans génère un lot de travail important, est loin derrière. « Aujourd’hui le vent pousse en direction du cimetière, c’est un jour idéal pour travailler. Notre métier est comme celui du pêcheur qui surveille la météo pour aller en mer. Nous, on guette le vent à cause de la poussière. Elle ne doit aucunement aller en direction des habitations », explique Roland Botte.
Son atelier est recouvert de poussière qui émane de la pierre. Ses jambes, ses bras sont recouverts d’une fine couche grise. On comprend très vite que pour faire ce métier il ne faut pas être allergique à la poussière et ne surtout pas avoir peur de se salir. « De nombreux jeunes aiment être bien habillé et accordent beaucoup d’importance au physique, pour faire ce métier il faut tout mettre de côté », nous lance Josian Besage, tombaliste également. Pas étonnant de ne pas rencontrer un jeune dans l’atelier. Ce métier, selon ces deux hommes, n’attire pas la jeune génération. L’exemple on le prendra de Roland Botte qui a 72 ans et Josian Besage 57 ans. A quelques mètres seulement de l’atelier de ces deux hommes, d’autres tombalistes font une pause, le temps de discuter et de casser une croûte. Eux aussi n’affichent pas moins de la cinquantaine.
Si aujourd’hui ils travaillent essentiellement avec la disqueuse, qui facilite leur travail, ils utilisent aussi les outils qui faisaient auparavant partie de leur quotidien, « ciseau, machette, chasse, têtu… » Ce métier requiert de la patience, il faut analyser la pierre avant de la tailler, et surtout être imaginatif.
Mais pourquoi ont-ils choisi cette voie ? A cette question, ils ont tous la même réponse. Pour certains leur père était tombaliste, d’autres des oncles. Ils avaient tous développé une allergie à l’école et se sont retrouvés un jour à suivre le même chemin que leur père ou un membre de leur famille.
La pierre, ils la ramènent des champs de canne. Bien que la tendance actuelle se porte plus sur du béton, les clients demandent aussi des tombes en pierre qui toutefois nécessitent entre deux à trois semaines, voire plus selon la complexité de la demande. « Une tombe en pierre coûte quatre à cinq fois plus cher qu’une tombe en béton, aux alentours de Rs 25 000. »
Ces artisans fabriquent aussi la « roche cari » et la roche à laver pour compléter leur fin de mois. Véritables autodidactes, ils laissent libre court à leur imagination. Si leur art sera toujours demandé, ils sont toutefois dans l’incertitude quant à la survie de ce métier qui n’attire plus grand monde.