De passage à Maurice pour la première réunion de l’association des îles Vanille, Alain St. Ange, ministre du Tourisme et de la Culture des Seychelles, a bien voulu nous accorder un entretien pour faire le point sur le tourisme aux Seychelles et dans la région. Avec sa volubilité habituelle, il parle de l’ouverture du tourisme à la population dans l’archipel et du positionnement accru du label Îles Vanille.
Quel a été le bilan du tourisme aux Seychelles pour 2015 ?
Pour être honnête, le bilan des chiffres a été au-delà de nos attentes. On a dépassé pour la première fois la barre des 275 000 visiteurs. Il s’agit là de vrais touristes et cela n’inclut pas les croisiéristes ou les passagers en transit. Mais les chiffres ne veulent rien dire. Il faut se rappeler que nous avons une population totale de 95 000 habitants et le nombre de touristes est donc trois fois supérieur. Ce qui est immense pour un petit pays comme les Seychelles.
Le grand succès des Seychelles a été l’ouverture pour accommoder les petits Seychellois qui sont devenus aujourd’hui des « petits business men » dans le tourisme avec par exemple des petits hôtels de deux, quatre ou six chambres. On a eu 156 nouveaux enregistrements l’année dernière. Et ces petits Seychellois défendent aussi bien le tourisme que le ministère. C’est tout le pays qui se sent concerné et défend ce secteur. Sans compter les autres petits commerces et entreprises qui vivent du tourisme. S’il est vrai que les grands hôtels classés restent l’épine dorsale de l’industrie, le partenariat gouvernement/petites entreprises privées a été le vrai succès du tourisme en 2015. C’est le privé qui va apporter l’innovation dans la culture, l’artisanat et faire que l’année 2016 soit encore meilleure.
Expliquez-nous cette ouverture du secteur touristique aux Seychellois ?
La première action a été le message du président pour dire aux Seychellois que nous devons travailler ensemble pour « claim back » l’industrie. Elle a été suivie par d’autres actions visant à ouvrir les portes afin que les Seychellois deviennent des hôteliers. Cela n’a pas été facile car il y avait ceux qui étaient déjà dans l’industrie et qui avaient peur de voir diminuer leur part du gâteau. Mais l’implication de plus de Seychellois est venu renforcer le secteur car tout le monde ou presque est désormais concerné par « leur » industrie. Il n’y a pas cette ségrégation entre les nantis et ceux qui n’ont rien. Il faut toujours impliquer le peuple.
Maintenant il nous faut voir le « back-up industry », les taxis, les loueurs de voitures, les voyagistes, les loueurs de bateaux… Jusqu’ici, ils étaient sous la responsabilité du ministère des Transports. Mais tous les secteurs qui relèvent de l’industrie se sont rencontrés pour travailler ensemble et je peux vous assurer que nous sommes bien partis pour y arriver.
Quelle est la contribution du tourisme dans le PIB des Seychelles ?
Directement 27% et indirectement autour de 36%. Ce qui fait que si le tourisme prend froid, toute l’économie est grippée mais on travaille bien et nous sommes sur la bonne voie. Nous avons une « cohesive approach » pour le tourisme qui inclut le secteur privé. Nos bureaux marchent bien. Le président de la République vient de commanditer un rapport que nous allons bientôt soumettre. Nous savons aujourd’hui ce que nous voulons et où il faut aller. L’Europe reste le principal émetteur. La France est en progression totale et l’Allemagne marche bien mais on connaît aussi la fragilité de ne pas toujours avoir de vols directs sur une destination. Nous travaillons pour combler cette lacune sur les marchés existants mais aussi sur l’Inde, Maurice et l’Afrique du Sud. D’autre part, nous avons lancé le premier vol direct sur Beijing le 27 janvier.
Qu’est-ce qui explique la bonne performance du tourisme aux Seychelles en 2015 ?
Deux choses. Premièrement, c’est le travail de concert, peuple-privé-Etat. Ensuite c’est notre succès sur la visibilité qui montre que nous existons et que nous sommes pertinents. C’est un travail de longue haleine qui paye aujourd’hui.
Le tourisme reste néanmoins fragile avec notamment les risques liés au terrorisme. Comment appréhendez-vous cela ?
Nous sommes contents d’être en sécurité totale aux Seychelles.
Comment pouvez-vous affirmer cela ?
Aux Seychelles, le système de l’Etat marche. À l’aéroport nous avons un contrôle strict sur les arrivées. Par mois, il y a une vingtaine de personnes qui sont refoulées. Nous avons aussi de bonnes communications avec les pays de la région. Toutefois, nous avons une politique de « friends of all, ennemies of none » et nous n’exigeons pas de visa. Il faut néanmoins justifier d’un lieu d’accueil (hôtel ou particulier) à l’arrivée.
Il faut aussi signaler notre pro activité. Au lendemain des attentats de Paris, j’ai demandé personnellement à l’OMT (Organisation mondiale du tourisme) d’organiser une rencontre avec la presse pour discuter du rôle de la presse après la déstabilisation. Il faut que l’on mette en valeur les pays et les victimes et non les auteurs des attentats. Oui au droit à l’information mais aussi au droit des pays victimes, de survivre.
De bons chiffres pour les Seychelles mais aussi Maurice et également La Réunion. Est-ce tout l’océan Indien qui capte l’attention des voyageurs potentiels ?
Je pense que c’est le travail des îles Vanille finalement qui explique que l’océan Indien soit en vogue, soit la nouvelle région touristique. On peut faire mieux mais on est sur la bonne voie. On commence à parler de la région et de son interconnectivité qui s’améliore. On est à plus de 10 % de croissance sur les voyageurs qui font plus qu’une île de l’océan Indien. Dans tous les forums internationaux quand le ministre Duval ou moi-même parlons des îles Vanille, on se pose la question mais où se trouvent ces îles ? Quand on parle des atouts de la région on parle de ce que nous avons chez nous mais aussi chez le voisin, le volcan à La Réunion, la route des Baleines à Madagascar. Nous nous approprions toutes les îles. Ce qui fait que la région a l’offre la plus diversifiée pour le tourisme.